Romain Cazeaux, Montage 2008
Aujourd’hui, BAM est parti à la rencontre de Romain Cazeaux, ancien étudiant du BTS en Montage. Il nous fait découvrir la réalité de son métier de chef-monteur intermittent.
Bonjour, qui es-tu ?
Je m’appelle Romain Cazeaux, j’ai 30 ans. Après quatre premières années de fac tout à fait inutiles (scolairement parlant) j’ai fait un BTS Audiovisuel option Montage et Post-production en alternance entre 2006 et 2008.
Je suis aujourd’hui chef-monteur pour la télévision, en tant qu’intermittent du spectacle, au sein de différentes boîtes de production qui me confient le montage de divers programmes dits “de flux”, du magazine à la téléréalité en passant par les jeux.
En parallèle, j’ai créé une auto entreprise en 2009, avec laquelle je réalise des films institutionnels pour de grandes entreprises comme Thales, Bouygues Construction, Honeywell, SNCF… La structure doit être transformée en véritable société de production au début de l’année 2016.
Quel est ton parcours professionnel depuis le BTS ?
Mon parcours professionnel a en réalité commencé pendant le BTS. J’ai été embauché en alternance par une petite structure, Tomawak Productions, à laquelle ALP (Adventure Line Production) confiait la production exécutive de La Carte aux Trésors (France 3). Il arrivait aussi à cette période que je fasse quelques piges de nuit en tant qu’assistant pour de petites boîtes, sur des programmes pour le web.
Trois jours avant la fin de mon contrat en alternance, mon patron (je dois TOUT à cet homme : Nicolas Réoutsky) m’a mis en relation avec les Studios Puma où étaient produites, tournées et montées, entre autres programmes, plusieurs quotidiennes pour France 5 dont “Les Maternelles”. J’y ai passé quelques mois en tant qu’assistant technique, puis j’ai été embauché par Kawa Production (diverses émissions de poker pour la TNT) en tant que chargé de post-production, puis par ALP, à un poste similaire, sur “Moundir l’Aventurier de l’Amour”.
Un burn-out plus tard (je déconseille les urgences de Boulogne la nuit), j’ai décidé que mon métier n’était pas de gérer un planning serré et des pépins techniques à répétition, mais de raconter des histoires avec des images et du son.
J’ai donc un peu galéré à trouver diverses missions d’assistant monteur à droite à gauche. Et de flous en synchros, de digits en confos, on m’a un jour proposé de remplacer un chef-monteur malade pour sa dernière journée (et une nuit complète) sur “Belle Toute Nue” pour M6. Première pige de chef monteur, d’autres ont suivi, avec plus ou moins de régularité. Au début c’était chaud. Aujourd’hui ça va. Mon numéro circule bien, je crois travailler pas trop mal, et j’ai bien assez de taff à mon goût et à celui de Pôle Emploi.
En quelques mots, décris-nous ton métier pour ceux qui ne le connaissent pas ?
Mon métier, à 70% aujourd’hui, c’est de rassurer la personne qui travaille à côté de moi sur le banc de montage, qu’il s’agisse d’un réalisateur, d’un journaliste, d’un chef d’édition… En bref, le gratte-papier dont je suis le presse-bouton. Sur un montage, je suis force de proposition mais rarement décisionnaire, il faut savoir jouer de tact et de diplomatie pour faire passer ses idées. Et de temps en temps, même en déployant les plus grands efforts, elles ne passent pas, les idées, et il faut savoir s’asseoir dessus sans en faire une montagne. Sinon ça fait mal.
Sur les 30% restants, 29% consistent à savoir raconter des histoires, quelles qu’elles soient, avec cohérence, rythme et en respectant les contraintes de forme et de fond imposées par la production, le diffuseur, etc. Je ne te fais pas un dessin : il faut enchaîner les plans, les sonores et les séquences pour que “ca marche”, illustrer avec la musique qui va bien, tout changer, recommencer, revenir à la première version et garder le sourire.
Le dernier pourcentage, de mon point de vue, tient dans l’organisation du projet (tri des rushes, chutiers, etc.), l’agencement de la timeline (il n’est pas rare qu’on doive composer avec 16 pistes son simultanées), bref de rendre les lieux dans l’état dans lesquels on les a trouvés en entrant, parce que d’autres vont passer derrière nous (lisseurs, mixeurs, assistants, flouteurs, PAD…) alors autant leur faciliter un peu la vie.
Y’a un truc que je n’ai pas dit mais qui me semble important pour les wannabe monteurs télé qui liront peut-être jusqu’ici : c’est un milieu de réseaux. Le piston est tellement la norme qu’il paraît étrange de lui donner ce nom là. Je ne crois pas avoir envoyé le moindre CV ni passé le moindre entretien depuis facilement cinq ans. La règle, c’est la coopération. “Tu connais pas un monteur qui serait dispo de mi novembre à mi décembre ? – Si, tiens, voilà son numéro, tu verras il est sympa / efficace / un peu moyen mais très investi.” Alors il vaut mieux être un minimum sociable et humble. Après, une fois qu’on a le pied dedans, ça roule tout seul. Mais ça peut être inquiétant au début.
Quelle est ton actualité ?
Mon actualité c’est qu’après avoir commencé aujourd’hui un nouvel épisode des “Princes de l’Amour” pour W9, il est une heure du matin et je suis toujours au boulot, chez moi cette fois, à faire des exports parce qu’un de mes clients veut ses films en WMV. WMV, quoi. WMV. J’en reviens pas…
Quels sont tes projets ?
Mahahaha.
Non sans blague. J’ai peu de projets. Je ne me suis jamais vraiment senti l’âme d’un artiste. Je suis un technicien du racontage d’histoires. L’audiovisuel n’est pas ma passion, c’est mon métier. J’y suis arrivé un peu par hasard, par des chemins détournés, et j’ai trouvé ça moins chiant et mieux payé que de vendre des abonnements téléphoniques par téléphone ou que de servir des sandwichs à des Levalloisiens encravatés. Mes projets, c’est principalement de payer mon loyer et de me taper un bon magret de canard aux fruits rouges de temps en temps.
Peux-tu nous citer un des moments marquants de ta vie professionnelle ?
Le burn-out c’est fait.
La première pige de 20h déclarées et payées 8h c’est fait.
Je sais pas, y’en a plein… Une journée de tournage sur un trois-mâts-goelette de 47m navigant à la voile en Baie de Quiberon ? La première fois qu’on m’a parlé du montant de la pige ? Les compliments inattendus mais secrètement espérés de la part de producteurs, de clients ? Les rencontres riches, les potes qu’on se fait ? Lorsqu’une boîte paie les heures sup et te file des tickets resto en prime ? Quand un montage fait marrer des collègues ?
C’est l’avantage de nos métiers : ça change tout le temps et il y a moyen de se réjouir de pleins de choses.
Si tu devais citer un souvenir du BTS ?
La mine déconfite d’Arnaud Margollé tentant en vain de nous expliquer 1+1=2.
Ça ça n’a pas de prix. C’était vraiment drôle.
Que penses-tu de BAM ?
Je l’ai dit plus haut : pour faire mon métier aujourd’hui, il faut se faire un réseau. BAM peut être une ébauche de réseau, au sein duquel je serais absolument ravi de donner des coups de pouce semblables à ceux qu’on m’a donné quand j’en ai eu besoin.
Merci Romain d’avoir répondu à nos questions.
Interview réalisée par Bertrand en octobre 2015